A la fois filiforme, robuste et très mobile, la colonne vertébrale est un modèle de réussite. Aucune autre partie de notre corps ne parvient à réunir des caractéristiques aussi contradictoires.
Notre échine, elle, réussit à les concilier grâce à sa structure sophistiquée, formée de 24 vertèbres articulées. Ces os alternent avec 23 disques intervertébraux, qui font de notre colonne vertébrale un « pilier de soutènement » particulièrement souple, capable de pivoter sur lui-même dans plusieurs directions, tout le contraire d’une charpente rigide. Notre colonne peut également surmonter d’énormes contraintes mécaniques grâce à sa forme particulière en « s » qui la rend 10 fois plus résistante que si elle était droite et rigide.
Les disques intervertébraux assurent la flexibilité de notre rachis. Cette construction particulière permet à des disques sains de supporter des charges considérables.
En position assise, les disques qui se trouvent en bas du rachis lombaire doivent « encaisser » le poids de notre tronc, qui exerce sur eux une pression d’environ 4,5 bars, soit près du double de celle des pneus d’une voiture !
Si nous soulevons un objet de 20 kilos le torse penché en avant , cette poussée monte jusqu’à 23 bars. En raison de l’effet de levier que ce mouvement exerce, la force qui agit sur les disques équivaut à un poids de 300 kilos! Aucun autre tissu humain ne subit des efforts aussi importants.
Ces structures ne sont ni innervées, ni vascularisées: c’est uniquement après avoir été comprimées qu’elles absorbent à nouveau, telle une éponge, de l’eau et des nutriments qu’elles puisent dans leur environnement naturel et immédiat. Cette opération se déroule surtout la nuit, lorsque nous dormons, et que les tissus des disques peuvent se détendre, se décharger. Mais aussi grâce au passage régulier d’un état de compression et de décompression du disque (marche, course, saut….) qui lui permet de garder toute sa souplesse.
Cet échafaudage de vertèbres et de disques est stabilisé par des ligaments , et surtout par de nombreux muscles.
Notre dos est fait pour tenir bon quand il est soumis à des contraintes mécaniques extrêmes. Il représente une construction archaïque très ancienne, qui retrace l’évolution de notre espèce et qui a fait ses preuves. Notre appareil locomoteur s’est en effet constitué voici des dizaines de milliers d’années, quand nos ancêtres menaient une vie erratique de chasseurs-cueilleurs, riche en épreuves physiques. Et il y a encore relativement peu de temps, la plupart des habitants des pays développés ne souffraient pas d’un déficit de mouvements (marche de plusieurs kms pour aller au travail, dur labeur dans les champs, loisirs sportifs…)
Aujourd’hui, notre appareil locomoteur, et donc notre dos, s’expose à un danger auquel l’évolution ne l’avait pas préparé: l’inaction.
Nous sommes de plus en plus nombreux à aller au travail en voiture, à avoir des activités professionnelles dites sédentaires (assises prolongées, piétinement…) et même à consacrer notre temps libre aux écrans.
Souvent, nous arrivons sur le tapis de yoga avec de bonnes intentions: bouger, s’étirer, s’assouplir….pour soulager des dos tendus, endoloris et même pathologiques.
N’oublions pas, alors, que notre rachis, nos muscles, nos ligaments, nos disques ont peut-être des faiblesses dues à ce manque d’activité. Que nos conditions de vie ne sont pas celles de d’un yogi indien et que nos moulages posturaux ne pourront pas, dans un premier temps, « se plier » aux facéties des asanas (postures de yoga en sanskrit).
Préférons la simplicité à la performance, bougeons avec intelligence, offrons nos mouvements à la respiration et restons dans une écoute bienveillante et joyeuse !